Cette histoire n'est écrite que dans l'énorme manuscrit qui trône au fond dans la chapelle de Pas-du-Loup. Une histoire aussi vieille que celle du temps de Mary Noire.
Melindi Thiril, tout le monde connaît ce nom au village.
Elle était autrefois une sorcière aimée de tous. Fine connaisseuse de la magie blanche, elle aimait aider les villageois, les guérir, les protéger. Elle était la femme la plus admirée. On l’invitait à toutes les cérémonies, les fêtes. Sa gentillesse, son courage, sa force étaient appréciés de tous. Et grâce à elle, la peur face aux autres créatures s'amoindrissait. Les jours étaient beaux à Pas-du-Loup, le bourg rayonnait de vie et de joie.
Mais, la nature n'est pas toujours bonne et l’atmosphère chavira. Une série de meurtres, dont la majorité des victimes étaient des femmes, s’établit dans le village. La sorcière n’arrivait pas à protéger les habitants et ne parvenait pas non plus à démasquer le coupable. La tension était palpable dans les rues du village. Elle marchait d'un habitant à l'autre, provoquant soupçon, méfiance...
Après une dizaine de morts, un détective venant d'une grande ville, appelé par le prêtre, mena son enquête dans le village. Il trouva étrangement des indices qui reliaient les meurtres à la sorcière. C’est ainsi que quelques semaines plus tard, Melindi fut arrêtée et jugée. Lors du procès, elle se donna corps et âme pour convaincre la population de son innocence. Elle usa même d’une potion pour l’obliger à ne révéler que la vérité. Mais rien n’y faisait. Personne ne pouvait prouver que son discours était juste. Ainsi, la magicienne fut condamnée.
Pour ses crimes, elle fut soumise à la peine capitale, le bûché. Mais avant cela, on décréta qu’elle devait faire pénitence en subissant humiliation de ceux qui l'avait prise pour une héroïne. Elle fût, dans un premier temps, enfermée dans un cachot sans eau ni nourriture. Régulièrement, un gardien venait lui jeter de la limaille de fer comme l'on sale des escargots, afin de l'affaiblir et d'être certain qu'elle n'use d'aucun pouvoir pour tenter de s'évader. De toute façon, tout le monde savait que la sorcière n'utilisait que des potions et de rares sorts de soins.
Après deux nuits et trois jours, on l'enchaîna par le coup comme un vulgaire chien, on la traîna au travers du village. Tous les villageois étaient de sortie. Humiliée, on lui jetait des pierres. Humiliée, on arrachait ses vêtements. Humiliée, on lui crachait dessus. Humiliée, elle prenait des coups de ces hommes, ces femmes et ces enfants qu’elle avait tant chéris par le passé. Humiliée, car elle fut accusée à tort.
Nue, on finit de la tirer jusqu'au bûché qui se trouvait au centre de la grande place. On l'attacha. Alors que Melindi regardait la foule l'observant, son regard changea. Elle n'avait plus peur. Elle n'avait plus mal. Elle n'avait plus de peine. Elle n'éprouvait plus que de la haine. Un éclair de génie traversa son esprit défaillant et, alors que les flammes commencèrent à la calciner, elle hurla à plein poumon:
« Je reviendrai. Vous me le paierez ! »
